Virtuosity • Jessica Martinez

Les larmes que j'avais ravalées en présence de Clark m’embuèrent à nouveau les yeux et, cette fois, elle débordèrent et roulèrent sur mes joues. Youri ne s'en rendit pas compte, ou eut la gentillesse de ne pas se rembrunir comme il l'aurait fait un autre jour.

Le regret me rendait douloureuse à l'intérieur. Pourquoi m'étais-je montrée aussi impulsive ? J'avais rejeté en bloc tout ce qu'il s'était échiné à m'inculquer avec le Tchaïkovski sans penser un seul instant à sa réaction. J'avais besoin de lui. Et en arrêtant l'Inderal sans le consulter, j'avais réagi avec irrespect et bêtise.

La dernière once d'espoir qu'il me restait me souffla une idée : peut-être réussirais-je à le faire changer d'avis. Je savais pourtant que c'était une cause désespérée. Mes prières ne serviraient qu'à le rebuter. Il tirait à nouveau sur sa pipe, le regard perdu dans les nuages de fumée qui épaississaient l'atmosphère de la pièce.

-Pas triste, observa-t-il.

Gênée, j'essuyai mes joues mouillées de larmes avec ma manche, puis reniflai.

-Toi pas besoin moi, compléta-t-il. Semaine dernière, comment être Tchaïkovski ? Pas bon du tout. Aujourd'hui, si toi jouer comme samedi, toi avoir chance. Toi pas pouvoir gagner Guarneri si jouer pour moi.

J'opinai. C'était ce qu'il attendait de moi.

-Et pas pour Diana.

Je baissai les yeux sur mes mains. Mes doigts étaient fins et puissant, leurs extrémités, calleuses, avaient perdu tout sensibilité.

-Je suis désolée, dis-je.
-Non. Sois autre chose.
-Dans ce cas, je vous suis reconnaissante.

Il hocha le tête et son menton se mit à frémir, mais c'était si imperceptible que je me demandai si mes yeux ne m'avaient pas jouer un tour. Il se frictionna vigoureusement les paupières. Ça ne dura qu'un instant. Lorsqu'il écarta sa main, son visage avait retrouvé son masque impassible.

-Moi aussi, souffla-t-il.

Rien pour le moment.